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.»Les Roches, août 1835. 76 XXVIII.Il faut que le poëte, épris d ombre et d azur,Esprit doux et splendide, au rayonnement pur,Qui marche devant tous, éclairant ceux qui doutent,Chanteur mystérieux qu en tressaillant écoutentLes femmes, les songeurs, les sages, les amants,Devienne formidable à de certains moments.Parfois, lorsqu on se met à rêver sur son livre,Où tout berce, éblouit, calme, caresse, enivre,Où l âme, à chaque pas, trouve à faire son miel,Où les coins les plus noirs ont des lueurs du ciel ;Au milieu de cette humble et haute poésie,Dans cette paix sacrée où croît la fleur choisie,Où l on entend couler les sources et les pleurs,Où les strophes, oiseaux peints de mille couleurs,Volent chantant l amour, l espérance et la joie ;Il faut que, par instants, on frissonne, et qu on voieTout à coup, sombre, grave et terrible au passant,Un vers fauve sortir de l ombre en rugissant !Il faut que le poëte, aux semences fécondes,Soit comme ces forêts vertes, fraîches, profondes,Pleines de chants, amour du vent et du rayon,Charmantes, où, soudain, l on rencontre un lion.Paris, mai 1842. 77 XXIX.Halte en marchantUne brume couvrait l horizon ; maintenant,Voici le clair midi qui surgit rayonnant ;Le brouillard se dissout en perles sur les branches,Et brille, diamant, au collier des pervenches.Le vent souffle à travers les arbres, sur les toitsDu hameau noir cachant ses chaumes dans les bois ;Et l on voit tressaillir, épars dans les ramées,Le vague arrachement des tremblantes fumées ;Un ruisseau court dans l herbe, entre deux hauts talus,Sous l agitation des saules chevelus ;Un orme, un hêtre, anciens du vallon, arbres frèresQui se donnent la main des deux rives contraires,Semblent, sous le ciel bleu, dire : À la bonne foi !L oiseau chante son chant plein d amour et d effroi,Et du frémissement des feuilles et des ailes ;L étang luit sous le vol des vertes demoiselles.Un bouge est là, montrant, dans la sauge et le thym,Un vieux saint souriant parmi des brocs d étain,Avec tant de rayons et de fleurs sur la berge,Que c est peut-être un temple ou peut-être une auberge.Que notre bouche ait soif, ou que ce soit le cSur,Gloire au Dieu bon qui tend la coupe au voyageur !Nous entrons.« Qu avez-vous ? Des Sufs frais, de l eaufraîche.»On croit voir l humble toit effondré d une crèche.À la source du pré, qu abrite un vert rideau,Une enfant blonde alla remplir sa jarre d eau, 78 Joyeuse et soulevant son jupon de futaine.Pendant qu elle plongeait sa cruche à la fontaine,L eau semblait admirer, gazouillant doucement,Cette belle petite aux yeux de firmament.Et moi, près du grand lit drapé de vieilles serges,Pensif, je regardais un Christ battu de verges.Eh ! qu importe l outrage aux martyrs éclatants,Affront de tous les lieux, crachat de tous les temps,Vaine clameur d aveugle, éternelle huéeOù la foule toujours s est follement ruée !Plus tard, le vagabond flagellé devient Dieu.Ce front noir et saignant semble fait de ciel bleu,Et, dans l ombre, éclairant palais, temple, masure,Le crucifix blanchit et Jésus-Christ s azure.La foule un jour suivra vos pas ; allez, saignez,Souffrez, penseurs, des pleurs de vos bourreaux baignés !Le deuil sacre les saints, les sages, les génies ;La tremblante auréole éclôt aux gémonies,Et, sur ce vil marais, flotte, lueur du ciel,Du cloaque de sang feu follet éternel.Toujours au même but le même sort ramène :Il est, au plus profond de notre histoire humaine,Une sorte de gouffre, où viennent, tour à tour,Tomber tous ceux qui sont de la vie et du jour,Les bons, les purs, les grands, les divins, les célèbres,Flambeaux échevelés au souffle des ténèbres ;Là se sont engloutis les Dantes disparus,Socrate, Scipion, Milton, Thomas Morus,Eschyle, ayant aux mains des palmes frissonnantes.Nuit d où l on voit sortir leurs mémoires planantes !Car ils ne sont complets qu après qu ils sont déchus.De l exil d Aristide au bûcher de Jean Huss,Le genre humain pensif c est ainsi que nous sommes Rêve ébloui devant l abîme des grands hommes.Ils sont, telle est la loi des hauts destins penchant, 79 Tes semblables, soleil ! leur gloire est leur couchant ;Et, fier Niagara dont le flot gronde et lutte,Tes pareils : ce qu ils ont de plus beau, c est leur chute.Un de ceux qui liaient Jésus-Christ au poteau,Et qui, sur son dos nu, jetaient un vil manteau,Arracha de ce front tranquille une poignéeDe cheveux qu inondait la sueur résignée,Et dit : « Je vais montrer à Caïphe cela ! »Et, crispant son poing noir, cet homme s en alla.La nuit était venue et la rue était sombre ;L homme marchait ; soudain, il s arrêta dans l ombre,Stupéfait, pâle, et comme en proie aux visions,Frémissant ! Il avait dans la main des rayons.Forêt de Compiègne, juin 1837. 80 LIVRE DEUXIÈMEL ÂME EN FLEUR 81 I.Premier MaiTout conjugue le verbe aimer.Voici les roses.Je ne suis pas en train de parler d autres choses ;Premier mai ! l amour gai, triste, brûlant, jaloux,Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs, les loups ;L arbre où j ai, l autre automne, écrit une devise,La redit pour son compte, et croit qu il l improvise ;Les vieux antres pensifs, dont rit le geai moqueur,Clignent leurs gros sourcils et font la bouche en cSur ;L atmosphère, embaumée et tendre, semble pleineDes déclarations qu au Printemps fait la plaine,Et que l herbe amoureuse adresse au ciel charmant.À chaque pas du jour dans le bleu firmament,La campagne éperdue, et toujours plus éprise,Prodigue les senteurs, et, dans la tiède brise,Envoie au renouveau ses baisers odorants ;Tous ses bouquets, azurs, carmins, pourpres, safrans,Dont l haleine s envole en murmurant : Je t aime !Sur le ravin, l étang, le pré, le sillon même,Font des taches partout de toutes les couleurs ;Et, donnant les parfums, elle a gardé les fleurs ;Comme si ses soupirs et ses tendres missivesAu mois de mai, qui rit dans les branches lascives,Et tous les billets doux de son amour bavard,Avaient laissé leur trace aux pages du buvard !Les oiseaux dans les bois, molles voix étouffées,Chantent des triolets et des rondeaux aux fées ; 82 Tout semble confier à l ombre un doux secret ;Tout aime, et tout l avoue à voix basse ; on diraitQu au nord, au sud brûlant, au couchant, à l aurore,La haie en fleur, le lierre et la source sonore,Les monts, les champs, les lacs et les chênes mouvants,Répètent un quatrain fait par les quatre vents.Saint-Germain, 1er mai 18& 83 II.Mes vers fuiraient, doux et frêles,Vers votre jardin si beau,Si mes vers avaient des ailes,Des ailes comme l oiseau
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