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.On n’était jamais trop prudent, de nos jours, avec tous les capteurs et les mines enterrés ici ou là .Les Êtres de la Boue prenaient des mesures inimaginables pour protéger leurs biens.Et, dans le cas présent, ils n’avaient pas tort.Mulch sentit une vibration sur sa gauche.Des lapins.Le nain grava dans sa mémoire l’endroit exact grâce à sa boussole interne.Il était toujours utile de savoir où se situait la vie animale souterraine.Il contourna le terrier, suivant les fondations du manoir qui décrivaient une longue boucle nord-ouest.La cave était très facile à localiser.Au cours des siècles, des résidus s’étaient infiltrés dans le sol, imprégnant la terre de la personnalité du vin.Celui-ci avait du corps, pas le genre léger.Une note fruitée, mais pas suffisante pour en assouplir la saveur.Un vin à conserver tout en bas du porte-bouteilles uniquement pour les grandes occasions.Mulch se délecta.C’était de la bonne argile.Le nain dirigea ses mâchoires tranchantes vers la surface, mordant les lattes du plancher dans lequel il creusa un trou.Il se hissa par l’ouverture aux contours déchiquetés, secouant son pantalon pour le débarrasser de la terre recyclée qui s’y était accrochée.Il avait émergé dans une pièce dont l’obscurité était la bienvenue, parfaite pour un œil de nain.Son sonar naturel l’avait amené vers une surface nue du plancher.Un mètre plus à gauche et il se serait retrouvé dans un énorme tonneau de rouge italien.Mulch raccrocha sa mâchoire et s’approcha du mur à pas feutrés.Il colla contre la brique rouge une oreille en forme de conque et resta immobile un bon moment, s’imprégnant des vibrations de la maison.Une fréquence basse, comme un bourdonnement.Il y avait un générateur quelque part et un flot d’électricité parcourait les câbles.Des bruits de pas, aussi.Peut-être au troisième étage.Puis, plus près, un coup sourd.Du métal sur du ciment.Le son se répéta.Quelqu’un était en train de construire quelque chose.Ou de le casser.Il sentit un frôlement à ses pieds.Instinctivement, Mulch écrasa sa semelle contre le sol.C’était une araignée.Une simple araignée.— Désolé, ma jolie, dit-il à la tache grisâtre.Je suis un peu nerveux, ces temps-ci.Les marches de l’escalier étaient en bois, bien entendu.Et devaient avoir plus d’un siècle à en juger par l’odeur.Des marches comme celles-ci, il suffisait de les regarder pour qu’elles se mettent à grincer.Plus efficaces que n’importe quel système d’alarme pour annoncer les intrus.Mulch les escalada en restant tout au bord, les pieds dans le prolongement l’un de l’autre.Le long du mur, le bois était mieux soutenu, moins sensible aux craquements.Ce n’était pas si simple qu’il y paraissait.Les pieds de nain sont adaptés aux travaux de terrassement, et non pas aux délicates complexités de la danse classique ou de l’équilibre sur des marches de bois.Mulch parvint cependant à atteindre la porte sans incident.Il y eut bien un ou deux légers grincements, mais rien qui fût détectable par une oreille humaine ou un système d’alarme.Bien entendu, la porte était verrouillée mais c’était comme si elle avait été ouverte, car la résistance qu’elle offrait était négligeable pour un nain kleptomane.Mulch s’arracha un solide poil de barbe.Les poils de nain sont totalement différents de ceux des humains.Les cheveux et la barbe de Mulch constituaient en réalité un réseau d’antennes qui lui permettaient de s’orienter sous terre et d’éviter les dangers.Une fois arraché, le poil durcissait comme par un phénomène de rigidité cadavérique.Mulch recourba l’extrémité du poil quelques secondes avant qu’il ne se raidisse entièrement.Excellent crochet.Il lui suffit de le faire tourner légèrement dans la serrure pour la faire céder.Deux gorges seulement.Lamentable comme sécurité.Typique des humains, ils ne s’attendent jamais à une attaque venant du sous-sol.Mulch s’avança dans un couloir au sol recouvert de parquet.Cet endroit sentait l’argent de tous les côtés.Il pourrait ramasser une fortune, ici, pour peu qu’il en ait le temps.Il y avait des caméras juste au-dessous du linteau de la porte.Dissimulées avec goût dans les ombres des moulures.Mais néanmoins vigilantes.Mulch resta là un moment, calculant les angles morts possibles.Trois caméras balayaient le couloir dans un mouvement panoramique qui se répétait toutes les quatre-vingt-dix secondes.Impossible de passer.— Vous pouvez demander de l’aide, dit une voix dans l’oreille de Mulch.— Foaly ?Le nain dirigea son faux iris vers la caméra la plus proche.— On peut faire quelque chose contre ça ? murmura-t-il.Il entendit alors un bruit de clavier sur lequel on tapotait et, soudain, son œil droit fit un zoom avant à la manière d’un objectif d’appareil photo.— Pratique, dit-il dans un souffle.Il faudrait que je m’en procure un pour mon usage personnel.La voix de Root crépita dans le minuscule écouteur :— Aucune chance, bagnard.C’est un matériel uniquement fourni par l’administration.Et d’ailleurs, à quoi ça vous servirait en prison ? À regarder le mur d’en face en gros plan ?— Toujours aimable, Julius.Qu’est-ce qu’il y a ? Vous êtes jaloux parce que je réussis là où vous avez échoué ?L’horrible juron de Root fut couvert par la voix de Foaly.— Ça y est, je l’ai.Simple circuit vidéo.Pas même numérique.Je vais diffuser par antenne parabolique dans toutes les caméras une image en boucle des dix dernières secondes.Ça devrait vous donner quelques minutes de tranquillité.Mulch remua les pieds, visiblement mal à l’aise.— Il vous faut combien de temps pour ça ? Je suis un peu exposé, ici.— C’est déjà commencé, répliqua Foaly.Vous pouvez y aller.— Vous êtes sûr ?— Bien sûr que je suis sûr.Simple question d’électronique élémentaire.Je bricolais déjà les systèmes de surveillance des humains quand j’étais au jardin d’enfants.Faites-moi confiance.« Faire confiance à un expert des FAR ? Autant espérer que les humains cesseront un jour d’exterminer les espèces animales à coups de fusil », songea Mulch.Mais il se contenta de répondre à haute voix :— D’accord.J’y vais.Terminé.Il traversa le hall à pas feutrés.Même ses mains étaient feutrées, ondulant dans l’air comme s’il avait pu se rendre plus léger.Les manipulations du centaure avaient sans doute bien fonctionné car aucun Être de Boue surexcité ne s’était rué dans l’escalier en brandissant un pistolet primitif à base de poudre à canon.Les escaliers.Ah, les escaliers ! Mulch aimait tant les escaliers ! Ils étaient comme un puits de mine déjà creusé, au sommet duquel il pensait trouver à coup sûr un excellent butin.Et quel escalier que cet escalier-là ! Tout en chêne verni avec ces moulures compliquées que l’on associe généralement au XVIIIe siècle ou à la richesse la plus obscène.Mulch caressa une rampe ornementée.Dans le cas présent, les deux étaient sans doute associés.Mais il n’avait pas le temps de traînasser.Les escaliers restaient rarement déserts très longtemps, surtout lorsque la maison était assiégée.Qui pouvait dire combien de soldats assoiffés de sang attendaient derrière chaque porte, avides d’ajouter une tête de fée ou de nain à leurs trophées accrochés au mur.Mulch monta avec précaution, toujours sur ses gardes.Même le chêne massif pouvait craquer.Il resta tout au bord des marches, évitant le tapis.Il savait depuis sa huitième condamnation combien il était facile de cacher un capteur de système d’alarme sous l’épaisseur d’un tapis d’époque.Il parvint à atteindre le palier supérieur en conservant la tête sur les épaules
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